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Interview de Laurence Faivre : Une campagne nationale contre l’errance diagnostique des maladies rares

Interview de Laurence Faivre : Une campagne nationale contre l’errance diagnostique des maladies rares

Madame Faivre, pouvez-vous nous parler des défis spécifiques que vous rencontrez en tant que généticienne dans la lutte contre l'errance diagnostique des maladies rares ?

La lutte contre l'errance diagnostique repose sur l'évolution des technologies de génétique. Il y a eu des progrès incroyables ces dernières années, qui permettent de proposer de nouveaux tests pour les personnes restant sans diagnostic. En parallèle, il est indispensable de sensibiliser les soignants sur ces progrès continus, pour ne pas partir du principe qu'il n'y a plus rien à rechercher si un test génétique a été normal quelques années auparavant. C'est ce point que nous souhaitons mettre en avant dans cette campagne.

Comment votre expérience au sein de votre service vous a-t-elle préparé à aborder les enjeux de la campagne nationale visant à réduire l'errance diagnostique ?

Trop souvent, nous revoyons en consultation des adultes atteints de maladies rares, souvent quand leur fratrie envisage d'avoir des enfants et souhaite savoir s'il existe un risque pour eux. Leurs parents nous expriment qu'un test génétique avait été réalisé dans leur petite enfance et était normal, ils avaient donc retenu que cela n'était pas génétique. Pourtant, les techniques disponibles il y a plus de 10 ans n'ont rien à voir avec l'apport des techniques actuelles.

Quel rôle pensez-vous que la génétique peut jouer pour accélérer le diagnostic des maladies rares et comment cela s'intègre-t-il dans la campagne actuelle ?

80% des maladies rares sont d'origine génétique. Les Centres de Génétique sont en capacité d'évaluer et réévaluer les demandes de diagnostic, et en particulier juger s'il existe une indication de séquençage du génome, disponible dans tous les CHU dans le cadre des deux laboratoires du Plan France Médecine Génomique depuis 2020.

Quels sont, selon vous, les principaux obstacles qui empêchent un diagnostic rapide et comment pensez-vous qu'une campagne nationale pourrait les surmonter ?

Un résultat de séquençage du génome est obtenu en 6 mois environ, hors situation d'urgence, compte tenu du nombre limité de biologistes en capacité d'interpréter les données. Le délai pour obtenir un RV en consultation de génétique est d'environ 6 mois sur l'ensemble du territoire. Les limites de ressources humaines représentent l'obstacle principal. La campagne nationale vise plutôt à sensibiliser les familles et les professionnels sur l'évolution des examens de génétique, pour inciter à reconsulter si un diagnostic n'a pas été porté et reste une attente des familles.

Pourriez-vous partager une histoire personnelle ou un cas étudié d'un patient que vous avez accompagné qui a vécu une errance diagnostique et comment cela a influencé votre approche professionnelle ?

La recherche d'un diagnostic est le motif principal de consultation de génétique, donc il est impossible de ne se référer qu'à une histoire singulière. Je penserai plutôt à tous les parents qui revenaient en consultation tous les ans pendant des années pour identifier un diagnostic. Leur répondre finalement, avec les progrès technologiques, est un vrai aboutissement.

Pensez-vous qu'il existe un manque de sensibilisation ou de formation parmi les professionnels de santé concernant les maladies rares ? Si oui, comment cela pourrait-il être rectifié dans le cadre de cette campagne nationale ?

Les maladies rares sont trop nombreuses et trop rares pour qu'elles soient bien connues des professionnels. Il est essentiellement important qu'ils sachent quand adresser leur patient en consultation spécialisée maladies rares, et dans le cadre de cette campagne, aussi les réadresser si le bilan génétique s'était révélé négatif quelques années auparavant.

Quels résultats espérez-vous voir suite à cette mobilisation nationale et comment allez-vous mesurer son impact au sein de votre domaine et à travers le pays ?

Nous espérons toucher les patients atteints de maladies rares en attente de diagnostic pour qu'ils puissent reconsulter. Nous mettons en place une enquête à disposition des centres de génétique pour évaluer le nombre de consultations qui auront découlé de cette campagne.

Pour plus d'informations : https://anddi-rares.org/

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